PETERS, MABEL PHOEBE, propriétaire d’hôtel et réformatrice sociale, née le 12 juin 1861 à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick ; décédée le 30 août 1914 à Boston et inhumée le 4 septembre à Saint-Jean.

La famille de Mabel Phoebe Peters, des loyalistes de New York, contribua beaucoup à la vie commerciale et politique du Nouveau-Brunswick. La mère de Mabel Phoebe, Martha Hamm Lewis*, fut la première femme admise à l’école normale de la province. Elle enseigna six ans avant d’épouser Alexander Nevers Peters ; alors épicier détaillant, il avait dirigé un journal de Saint-Jean et serait propriétaire d’un hôtel. Ce type de milieu bourgeois où s’alliaient esprit d’entreprise et instruction a produit beaucoup de réformateurs sociaux telle Mlle Peters.

Les détails sur la jeunesse et les études de Mabel Phoebe Peters sont peu nombreux. Au début de sa vie d’adulte, elle s’occupa beaucoup, semble-t-il, de l’hôtel de son père, le Clifton House, à Saint-Jean. Après la mort de leur mère en 1892, Mabel Phoebe et sa sœur aînée M. Evelyn prirent progressivement la relève de leur père, qui se faisait vieux. Devenues propriétaires en 1897, elles tinrent l’établissement encore deux ans après la mort de leur père en 1901. Une autre sœur aînée de Mabel Phoebe, Mme Clara Arthurs, vivait à Detroit, où elle fut l’une des premières à organiser des terrains de jeu. La plus jeune des demoiselles Peters, Sarah L., s’était installée à Detroit après la mort de leur mère. Comme elles se fréquentaient beaucoup, les sœurs Peters voyageaient souvent entre Detroit, Saint-Jean et Westfield, au Nouveau-Brunswick, où se trouvait la maison d’été de la famille. Mabel Phoebe revenait de ces voyages la tête pleine d’idées de réformes sociales.

En 1901, Mabel Phoebe Peters rédigea une communication sur les écoles de vacances et les terrains de jeu pour l’assemblée annuelle du National Council of Women of Canada, ce qui marqua les débuts de son influence sur la scène nationale. Mme Arthurs lut cette communication à l’assemblée et appuya la résolution voulant que le conseil s’engage à promouvoir de telles écoles afin de « vaincre les maux de l’oisiveté forcée » en donnant aux enfants l’occasion de se livrer à « des activités raisonnables et [à] des jeux sains ». Dès 1902, le conseil forma un comité permanent sur les écoles de vacances et les terrains de jeu sous surveillance, et nomma Mabel Phoebe Peters convocatrice. Elle exerça cette fonction durant 12 ans, et elle présenta chaque année au conseil un rapport sur les efforts déployés par le comité afin d’éduquer l’opinion publique sur les terrains de jeu et d’obtenir l’appui des autorités municipales. Le dossier progressa régulièrement au cours de cette période : des terrains de jeu furent ouverts en bien des endroits avec l’assistance des conseils locaux de femmes, puis regroupés en associations, après quoi les autorités municipales les prirent en charge.

Toutefois, Saint-Jean eut un premier terrain de jeu seulement en 1906. Mabel Phoebe Peters en avait été l’initiatrice en tant que convocatrice du comité sur les terrains de jeu au Local Council of Women. Durant les deux mois précédant l’ouverture, elle fournit à deux journaux de Saint-Jean des articles sur les avantages de ces terrains, recueillit des fonds et sollicita des dons en nature auprès de marchands de la ville. Le jour de l’inauguration, elle arriva au terrain de bonne heure et demanda énergiquement l’assistance des personnes présentes. Six semaines plus tard, elle présida la cérémonie de clôture et fit monter Mme Arthurs à ses côtés sur la tribune. Ensuite, elle continua d’exercer des pressions pour que la municipalité de Saint-Jean prenne les terrains de jeu en charge. Parfois, elle s’impatientait. Ainsi, en 1908, elle menaça d’abandonner la partie « si la ville de Saint-Jean ne jugeait pas utile de soutenir cette entreprise [...] qu’il était du devoir de la ville de poursuivre ». Cependant, elle ne laissa pas tomber. En 1912, trois terrains de jeu de Saint-Jean se réunirent en une association dont elle devint la présidente.

Tant avant qu’après la vente de l’hôtel familial par elle-même et M. Evelyn, Mabel Phoebe Peters voyagea beaucoup pour promouvoir les terrains de jeu. Dans la seule année 1912–1913, elle visita Ottawa, Toronto, Hamilton, London, Walkerville (Windsor, Ontario) et Moncton, et elle assista à Montréal à l’assemblée annuelle du National Council of Women. Ses voyages aux États-Unis lui permirent de faire la connaissance d’une grande réformatrice sociale de Chicago, Jane Addams, et de se lier avec des membres de la Playground Association of America. Elle appartint à cette organisation dès 1907 et fut membre de son conseil national en 1907–1908. Elle agit à titre de vice-présidente honoraire au congrès de l’association à New York en 1908. Une de ses ambitions était de former une association du même genre au Canada. En 1913, elle signala au National Council of Women que cette idée était très populaire, mais la volonté d’y donner suite mourut avec elle.

Mabel Phoebe Peters promut aussi le suffrage féminin avec beaucoup de zèle. Membre de la Saint John Women’s Enfranchisement Association, fondée en 1894, elle fit des tournées, amassa de l’information pour des groupes locaux et prit la parole à des assemblées, par exemple la Washington National Suffrage Conference en 1902. Notamment avec Emma Sophia Fiske [Skinner], elle rencontra des hommes politiques afin de les encourager à voter pour le suffrage féminin. La plupart du temps, ces délégations se faisaient répondre ce que le premier ministre provincial John Douglas Hazen* soutint en 1908 : « chacun des sexes a ses fonctions et ses devoirs, et un très grand nombre de femmes pens[ent] qu’elles peuvent faire mieux dans leur domaine si elles n’ont pas à porter le fardeau des affaires publiques du pays ». Mlle Peters pouvait être mordante quand il s’agissait des causes qui lui tenaient à cœur. En 1908, même si elle dirigeait la campagne du Local Council of Women en faveur des terrains de jeu, elle écrivit à l’Evening Times de Saint-Jean pour critiquer les organisations féminines qui, comme le conseil lui-même, avaient une position conservatrice sur le droit de vote. Pour les suffragettes de Saint-Jean, la victoire fut longue à venir. Le droit de voter aux élections municipales, détenu depuis 1886 par les femmes célibataires et les veuves, fut concédé aux femmes mariées seulement en 1915. Les femmes du Nouveau-Brunswick eurent le droit de voter aux élections provinciales seulement à compter de 1919.

On a dit de Mabel Phoebe Peters qu’elle était novatrice, énergique et très influente. Tombée gravement malade en 1913, elle mourut un an plus tard d’un cancer du sein. Des scientistes chrétiens organisèrent ses obsèques. Bien qu’elle ait lancé le mouvement des terrains de jeu au Canada et que son œuvre dure, elle n’est pas très connue. En 1920, le National Council of Women demanda à toutes les municipalités ayant deux terrains de jeu ou plus d’en baptiser un en son honneur. Aucune ne l’a fait.

Susan E. Markham

Nous remercions David Goss, du ministère des Loisirs à Saint-Jean, N.-B., pour l’aide qu’il nous a apportée à la préparation de la biographie qui précède. M. Goss a gracieusement fourni de l’information sur Mabel Peters en consultant ses dossiers et au cours d’une entrevue le 19 octobre 1988.  [s. e. m.].

AN, RG 31, C1, Saint-Jean, Queens Ward, 1881, div. 2 : 69s. ; 1891, div. 1 : 38 ; 1901, sous-div. 1 : 29.— APNB, RS71/1901, A. N. Peters ; RS184, Peters family files (mfm) ; RS315, A, 23, 4 sept. 1914.— Mass., State Dept. of Public Health, Registry of vital records and statistics (Boston), Death records, 1914 : 595.— Saint John County Registry Office, records (mfm aux APNB).— Daily Telegraph (Saint-Jean), 21–24 nov. 1892, 1er–3 avril 1901, 31 mai, 6, 8, 21, 26 juin, 4 juill., 18 août 1906, 26 juin 1908, publié par la suite sous le titre Daily Telegraph and the Sun, 1er–5 sept. 1914, 22 juin 1920.— Saint John Globe (Saint-Jean), 21–24 nov. 1892, 1er–3 avril 1901, 1er–5 sept. 1914, 22 juin 1920.— St. John Daily Sun (Saint-Jean), 21–24 nov. 1892, 1er–3 avril 1901.— St. John Standard (Saint-Jean), 1er–5 sept. 1914.— Annuaire, Saint-Jean, 1869–1905.— R. P. Campbell, Challenging years, 1894–1979 : 85 years of the Council of Women in Saint John ([Saint-Jean, 1981 ?]).— M. E. Clarke, « The Saint John Women’s Enfranchisement Association, 1894–1919 » (mémoire de m.a., Univ. of N.B., Fredericton, 1980).— C. L. Cleverdon, The woman suffrage movement in Canada (Toronto, 1950).— E. M. McFarland, The development of public recreation in Canada (Ottawa, 1970).— National Council of Women of Canada, Year book (Ottawa ; Toronto), 1901–1915.— Saint-Jean, Board of School Trustees, Report, 1879–1889, 1894–1900 (exemplaires conservés à la Saint John Regional Library).— Saving the Canadian city : the first phase, 1880–1920 [...], Paul Rutherford, édit. (Toronto, 1974).— R. L. Shaw, Proud heritage : a history of the National Council of Women of Canada (Toronto, 1957).— V. J. Strong-Boag, The parliament of women : the National Council of Women of Canada, 1893–1929 (Musée national de l’Homme, coll. Mercure, Hist., n° 18, Ottawa, 1976).— Vital statistics from N.B. newspapers (Johnson), 16 ; 19 ; 39 ; 53.

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Susan E. Markham, « PETERS, MABEL PHOEBE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 3 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/peters_mabel_phoebe_14F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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